Les nouveaux moyens 'massifs' de reproduction de morceaux de musiques et de chansons se sont produits à la fin du XIXe siècle dans un vide juridique qui s'est rapidement comblé par la célèbre loi de protection des Auteurs/Editeurs du 1er février 1905. Voyons comment s'est passé cette période de transition, qui n'est pas sans rappeler l'introduction d'Internet une centaine d'années après... Les différents chapitres sont: |
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Les chanteurs pour cette nouvelle industrie Lorsque les frères Emile et Charles Pathé ont commencé, il leur fallait trouver des chanteurs pour vendre les cylindres. De toute évidence, les chanteurs à la mode étaient ceux qui chantaient en café-concerts, dans les grandes salles, ou même à l'Opéra, et outre que leur cachet ne devait pas être bon marché, ils répugnaient sans doute aussi à chanter devant un pavillon de longues heures de leur journée. Certains artistes avaient même demandé que les matrices d'enregistrement soient détruites après avoir entendu le piètre résultat sonore sur cylindre ! C'est dire que ces moyens " modernes " d'enregistrements ne faisaient pas l'unanimité ! Il faudra attendre jusqu'en 1925 pour voir que le disque a été admis complétement chez les plus récalcitrants, notamment grâce au progrès apporté par l'enregistrement électrique. Les frères Pathé ont utilisé ce que l'on pourrait aujourd'hui qualifier d'astuce, mais qui à l'époque, ne soulevait aucun problème. Peu importait que les chansons soient chantées par les artistes, du moment qu'on pouvait les entendre et les reconnaître sur ces appareils qui représentaient déjà une révolution! Les chansons apparaissent dans les premiers catalogues sous la dénomination " Répertoire ", comme ceux de Paulus, Yvette Guilbert, Aristide Bruant, etc. Ces chansons de répertoire ne sont que rarement chantées par les artistes eux-mêmes, mais par des artistes de moindre renom qui ont accepté de se plier à la dure discipline des enregistrements. Certains de ces artistes auront su profiter ainsi de ce nouveau marché pour acquérir une très grande célébrité. On ne saurait tous les citer dans cet article, mais il faut mentionner le cas de Charlus, infatigable chanteur qui a enregistré la plupart du répertoire Bruant, ou Aumônier, qui, âgé de 25 ans à l'époque de ses premiers enregistrements, a connu une très belle carrière grâce notamment au phonographe. Charlus écrit dans ses mémoires 'J'ai Chanté': " Je gagnais des haricots, comme nous disons dans notre argot d'artistes. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Quand il fallait fabriquer de la façon que je viens de dire les cylindres destinés à la vente, et que le prix unitaire de ceux-ci était de 1fr.25 et de 2 francs, [!], un chanteur ne pouvait raisonnablement demander plus de cinquante centimes par audition. Mais au moins, je chantais ! Et aussi : "J'étais au boulot dès huit heures du matin. Je me débarrassais de mes vêtements superflus, retirais col et cravate, et je chantais. [�]. Vous auriez ri de la posture que nous étions obligés de prendre pour chanter nos duos. Nous ne pouvions rester dans l'axe du pavillon, qui n'avait guère que 25 cm de diamètre, qu'en nous serrant l'un contre l'autre. Elle me tenait par le cou, moi je la tenais par la taille. Il ne fallait pas bouger. " |
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Parfois, mais de manière exceptionnelle, les artistes cependant acceptaient d'enregistrer eux-même. C'est le cas de Maréchal par exemple, ou bien de Polin, Bergeret, qui ont su devenir célèbres en utilisant le cylindre disque comme média au cours de leur carrière.
On reconnaît sur cette gravure à gauche deux chanteurs de la première époque de l'industrie Pathé, Maréchal, et Mercadier qui se plient aux exigences de l'enregistrement.. L'évolution rapide du statut des chanteurs et des maisons d'édition Il est clair qu'au début, lorsque l'industrie phonographique a été capable d'enregistrer des 'phonogrammes',
elle n'était qu'à ses balbutiements, et que lorsqu'un chanteur était demandé pour chanter devant un
pavillon, il le faisait en demandant un cachet pour son temps passé et en fonction de sa notoriété, exactement
comme s'il chantait dans une salle. Bien sur, les producteurs, qui pouvaient être différents des chanteurs et interprètes avaient le même problème, et l'époque qui se situe entre 1900 et 1905 a vu un grand nombre de procès, et de contrats d'un genre nouveau
qui tenaient compte d'un partage équitable des bénéfices produits par la vente des cylindres et des disques. Par exemple,
Tamagno fut le premier artiste à avoir négocié des droits d'interprète à prélever sur le prix de vente de chaque disque en 1903. Ce procès fut attenté par les maisons d'édition contre le fabricants de cylindres et de disques. Son résultat retentissant fut connu le 1er février 1905. |
Timbres Pathé 'Edition Autorisée' et Edifo surchargé de sa Maison d'Edition
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Le procès des maisons d'édition contre les fabricants Citons ce qui est paru dans les journaux (extrait de Phono Gazette 1905): Les fabricants s'appuyaient donc sur la fameuse loi de 1866 qui a vu le jour pour légiférer les ventes de boites à musiques et autres sources de 'musiques mécaniques'. Cette loi a exonéré du droit d'édition les instruments 'servant à reproduire mécaniquement les airs de musique'. Mais les phonographes reproduisaient la voix humaine... La cour a donné raison en appel aux éditeurs et a considéré que la
vente de ces rouleaux disques ou cylindres étaient une atteinte au monopole
d'exploitation commerciale des Auteurs ou de leurs Concessionnaires. D'une façon générale le droit est fixé a 5% du prix de vente pour les
disques, un peu moins pour les cylindres. Certaines compagnies ont décidé
d'augmenter leur prix de vente pour tenir compte de cette taxe, certaines
autres ont eu une geste plus commercial, et ont accepté de maintenir
leur prix initial. Le timbre taxe des Droits des Maisons d'Edition L'arrêté du 1er février 1905 sur l'édition phonographique oblige ainsi les maisons de disques ou de cylindres
à payer un droit sur chaque morceau de musique vendu. En parallèle, des sociétés défendant les artistes et les éditeurs se sont créées. Nous retiendrons principalement l'APGA et les maisons d'éditions tenues par les artistes eux-même qui seront abordés dans d'autres chapitres. |
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Gérard Frappé |